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Visuel réalisé par Camille Fresnel

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Journal de bord du capitaine Jekeriah Haer, à bord de la Corvette de Transport Rapide Memoria.
Nous sommes en perdition...

Découvrez la première histoire de notre album Les Oubliés du Memoria ! 
Le port du casque est vivement recommandé.
 

Composition, sound-design et mixage : Rudy Olm

Texte, visuel & voix du capitaine : Camille Fresnel

Un grand merci à Élise Cachera Ferrag pour la voix de l'IA, Ekho.

À cette époque, je bossais sur Haraas, une planète complètement perdue dans la bordure. La quasi- totalité de cette saloperie de caillou, c’est un désert. Et pas un désert de pétochard.

45 degrés à l’ombre en hiver, du sable et des caillasses à perte de vue, et des plantes qui balancent des spores mortelles dès que tu t’approches d’un peu trop près. La seule chose d’intérêt sur Haraas, c’est le gaz. Des gisements partout inépuisables, assez de profit pour attirer toutes les sociétés énergétiques de la galaxie. Pas de population, une planète pourrie à exploiter jusqu’à la moelle. Au fond, c’est le rêve de tous les industriels.

On m’a collé à un poste fixe, à la surveillance des Pipelines géants qui traversent le désert depuis les puits d’extraction jusqu’aux usines de traitement. C’était peinard j’dois dire, quelques opé' de maintenance pour ressouder une pièce ou décrasser un conduit, et parfois, chasser un ou deux trafiquants assez abrutis pour se mettre en tête de siphonner du gaz.

 

Ce jour-là, je profitais de ma douche hebdomadaire quand les écrans de contrôle se mettent à brailler. Une anomalie dans le flux à 50 kilomètres de là. Ça ne pouvait pas être une fuite, ni un dommage de la structure parce que j’avais vérifié les valves deux jours avant, et qu’on n'avait pas eu d’orage de roches depuis un bon mois.

Autrement dit, une bande de débiles étaient en train de pomper du carbu' comme des moustiques. Et ils étaient affamés les bougres. J’ai éteint les moniteurs, enfilé ma combi anti radiations, la renforcée avec des revêtements par balles, j’ai attrapé mon bidon de café et assez d’armes pour démolir la moitié d’une garnison Vradisienne.

On n'interrompt pas impunément une douche quand on vit dans une cahute en acier et qu’on bouffe du sable toute la sainte journée.

La compagnie Ulprom mettait à disposition de ses gardiens un arsenal complet pour protéger sa principale source de profit, et mon véhicule de fonction, un Arachnocycle à propulsion différée, ne faisait pas exception. Une sphère de verre blindée, un moteur tellement puissant que ça en devenait presque illégal et deux paires de pattes bourrées de servomoteurs pour se déplacer dans le relief, le tout garni de canons à munitions IEM capables de stopper un 120 tonnes lancé à plein régime.

 

J’ai mis le contact et le moteur s’est mis à hennir de satisfaction, comme si ma bonne vieille machine piaffait à l’idée de partir à la chasse aux débiles. Je suis parti vers le segment 33 d’où provenait l’alerte. Y ‘avait un bruit bizarre depuis qu’une pierre s’était fichée dans les roulements, et à chaque tour de roue ma sphère faisait le bruit d’un cheval au galop. Un cheval d’une tonne d’acier et d’armes militaires.

Il m’aurait fallu un chapeau et un lasso, et une insigne un peu plus rutilante que mon badge de la compagnie, mais on aurait pu se croire dans un western complètement déglingué. J’vous aurais bien dit qu’autour de moi, le paysage filait à toute allure et changeait subtilement de couleur à mesure que je roulais, mais non. La vérité, c’est qu’il n’y avait que du sable. Du sable, du sable et des cailloux à perte de vue et parfois une plante rachitique qui trainait entre deux pierres. Je suivais le tuyau plus haut qu’une falaise en surveillant mes instruments.

 

La plupart des trafiquants que j’avais dû chasser jusqu’à maintenant étaient des autochtones qui venaient jusqu’ici dans des petits véhicules, avec deux trois outils et un flingue, histoire de faire bonne figure, mais on savait jamais. Et puis comme je l’ai dit, on n'interrompait pas la douche d’un type armé et avec le code moral d’une entreprise stellaire.

J’ai fini par arriver en vue du segment 33, et je me suis mis hors de vue pour faire du repérage et voir à qui j’avais affaire. J’ai pas mis longtemps à les repérer, d’abord parce que c’est pas bien difficile de voir des êtres vivants quand tout ce qu’il y a à trois mille kilomètres à la ronde, c’est des rochers et des plantes à moitié crevées, et ensuite parce qu’ils n'étaient pas venus n’importe comment. Au dessus d’une valve de pressurisation, l’un des points faibles des tuyaux qu’on utilisait pour la maintenance et pour couper l’arrivée de gaz, un petit vaisseau patientait en vol stationnaire. Depuis sa soute, un long tuyau pendait, que des gars postés sur le tuyau manœuvraient pour siphonner le gaz. Pas des amateurs que j’me dis.

Le vaisseau ressemblait pas mal à un transporteur de classe F, l’un de ces petits bâtiments prisés des trafiquants pour leur capacité de stockage correct et leur taille réduite, parfaite pour échapper aux radars et se faire discret. Du beau boulot les gars, et qui aurait pu passer inaperçu si les détecteurs de la compagnie n’avaient pas été changés le mois dernier.

J’en comptais une dizaine, tous armés et vu la rapidité de leurs gestes, ils n'en étaient pas à leur coup d’essai. Heureusement, les classe F étaient des bâtiments civils et non armés, ce qui me laissait l’avantage. J’remarquais aussi quelques motos antigravité bricolées, sans doute amenées par des gars du coin qui avaient dû se faire recruter en échange d’une part du gâteau. Menace négligeable.

 

Je remontais à bord de mon Arachnocycle et mettais plein gaz sur eux.

Pas discret comme approche, mais vu le peu de relief du terrain, impossible d’arriver sur eux par surprise. Je m’attendais à ce qu’ils s’éparpillent dès qu’ils m’auraient repéré, mais plus j’avançais, plus je me disais qu’ils devaient être soit aveugles et sourds, soit particulièrement couillus, soit complètement cons.

Une fois à leur hauteur, j’activais les pattes aimantées de ma bête et gravissais le tuyau pour me mettre sur le dessus face à eux, et c’est à ce moment que je me suis dit qu’ils étaient sans doute les trois à la fois. Je branchais le haut-parleur et je gueulais un bon coup, ce qui en général suffit à foutre les pétoches.

« Vous êtes sur un territoire privé de la compagnie Ulprom !
Veuillez cesser vos activités et quitter le secteur sous peine de sanctions armées ! Y’aura pas de second avertissement mes gaillards ! »

 

Croyez-moi ou non, mais y’en a pas un qui a bougé. On aurait dit qu’ils m’avaient même pas entendu. J’ai vérifié mon haut parleur pour être sûr, et j’ai répété mon baratin. Là, l’un d’eux se tourne vers moi et m’fait un signe de la main. Complètement con, ou sévèrement burné le type.

Je finis par descendre, mitrailleuse en bandoulière, non sans avoir verrouillé l’Arachnocycle en mode tourelle automatique.

Le type vient vers moi.
« Qu’est-ce que vous foutez là bordel, vous tenez pas à la vie ? »

- On pourrait en dire autant de toi, le rouquin.

J’avais pas pu le voir à travers la vitre de son casque, mais c’était une gonzesse qui s’approchait de moi. Une gonzesse armée, et sacrément burnée tout de même. Elle se planta devant moi, son flingue bien en évidence, avec un air de celle qui est interrompue en plein travail.

- Écoutez mes mignons, à moins d’avoir un permis pour ce que vous faites, jusqu’à preuve du contraire vous êtes en train d’enfreindre une bonne quinzaine de lois.

-  Désolée m’sieur l’agent, les documents sont restés au bureau.

-  Écoute-moi bien ma mignonne. Vous êtes pas en face d’un shérif qui vous a pris en train de garer votre coucou sur un terrain privé là. En tant qu’agent factionnaire de la compagnie, j’ai toute latitude pour vous truffer la gueule de plomb, et on me filera peut-être même une augmentation pour ça, alors je vous conseille de pas jouer aux plus fins.

Je jure sur ma peau qu’à ce moment, je l’entendis sourire derrière sa visière. Merde, c’était pourtant pas la première fois que je me frottais à des trafiquants, un ordre à donner et les tourelles de l’Arachnocycle en faisaient de la chair à pâté, qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?

- Alors qu’est-ce qu’on fait ? Vous me mettez l’amende tout de suite ou je dois attendre un courrier ?

Drôle d’accent, un peu traînant sur la fin des mots. Sans doute le parler des secteurs extérieurs de la bordure. Jolie voix que j’me dis, le genre qui pourrait te mettre en confiance tout en te menaçant d’une Vibrolame.

-  J’vais être clair. J’ai pas franchement l’envie de danser aujourd’hui, alors on va convenir d’un arrangement. Vous me retransférez bien gentiment le carbu' dans les conduits, et en échange, on va dire que je vous ai jamais vu et que par conséquent, y’a aucune raison pour que je m’entraine au tir sur vos cadavres.

-  Ça me semble un marché honnête. Cependant...

Elle s’interrompit, et à ce moment, ça a été comme si le monde autour se faisait tout petit, en retenant une quinte de toux de crainte de prendre une gifle.

- J’ai une contre proposition. Tu vois le rouquin, on est vingt, et t’es seul. Alors voilà ce que je propose. Tu remontes en selle et tu rentres dans ton poste de surveillance pourri, et en échange on imagine que tu pourras garder ton travail et ta vie quelque temps, au moins jusqu’à ce que tes patrons te demandent des comptes, mais ça c’est une affaire entre toi et eux.

Nouveau silence. J’ajoutais rien, je tournais les talons et regagnais l’Arachnocycle. Ils voulaient jouer, fort bien, autant leur laisser croire qu’ils avaient réussi à intimider un pauvre gardien. À peine monté, j’activais les armes et enclenchais les procédures de ciblages, et en relevant la tête, je les vis en train de cavaler vers le vaisseau.

Bon, au moins ils savaient reconnaitre le moment où ça allait chauffer pour leurs fesses. Et puis, en suivant les fuyards des yeux, j’ai fini par les poser sur le vaisseau qui se tournait lentement pour me faire face. C’est à ce moment que j’ai vu les tourelles. C’était pas un classe F.

En une seconde, j’ai essuyé un déluge de balles traçantes. La plupart manquèrent mon véhicule et je le dois en partie au fait que j’avais les commandes en main et de bons réflexes. Grâce aux pattes aimantées, je me déplaçais sur le côté du Pipeline, presque à l’horizontale pour rester hors de vue, et je fis parler les canons. Les munitions IEM hurlèrent en traversant l’air surchauffé, mais aucun de mes tirs ne fit mouche.

 

Le pilote manœuvra son engin pour se retourner et éviter que je ne passe dans son dos, en même temps que je dévalais à la verticale la surface du tuyau pour regagner la terre ferme. Sur une surface plus régulière, mes tirs seraient plus précis. Les projectiles lasers ricochaient contre ma carlingue. Apparemment, les trafiquants restés à terre s’étaient aussi joints à la fête. Une fois arrivé au sol, je me tournais et expédiais une volée vers le vaisseau, plus pour faire bonne mesure qu’autre chose.

À ce moment-là, il se produisit plusieurs choses.

D’une part, mes tirs avaient été plus précis que prévu, et je réprimais un cri de victoire lorsque je les vis filer droit vers le cockpit. D’autre part, le pilote le comprit également et fit une embardée brutale pour les éviter... ce qui le projeta en plein contre le Pipeline.

Il y eut un bruit de métal froissé et de mécanismes aux supplices, puis les réacteurs de poussée qui maintenaient le vaisseau en vol stationnaire explosèrent dans une fontaine de flammes et de plasma. Les tuyaux étaient solides, mais pas à ce point, et ce qui devait arriver arriva.

J’vous mentirais en disant qu’il y a eu une grosse explosion. C’était une putain de grosse explosion qui éventra le flanc du Pipeline, et une gerbe de flammes se mit à monter dans le ciel alors que le gaz s’embrasait. La déflagration m’a projeté au loin, et j’dois au verre armé de mon cockpit de pas avoir fini carbonisé dans mon habitacle. Sous le choc, j’crois avoir perdu connaissance un moment et quand j’suis revenu à moi, le Pipeline continuait à vomir des langues de flammes géantes qui montaient dans l’air à des centaines de mètres.

Je suis resté un moment à regarder le fric de la compagnie à l’état gazeux se dissoudre dans le vent et le feu, puis j’ai rallumé mon moteur et je suis rentré faire mon rapport. Évidemment, comme on n'a pas retrouvé les restes des coupables, Ulprom a voulu ma tête, mais ça mes copines, c’est une autre histoire.

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Texte et visuel réalisés par Camille Fresnel

Compositeur de musique à l'image Grenoble

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